Peut-on donner du soja aux enfants ?
Ce sujet me tenait particulièrement à cœur et je suis heureuse d’avoir enfin pris le temps de rédiger un article qui répond aux principales questions que se posent les parents. Evidemment, je ne suis pas une spécialiste du sujet, il se peut que j’aie fait des oublis ou laissé passer quelques erreurs, et cet article n’a pas la prétention d’être exhaustif mais je me suis efforcée d’aller chercher les informations les plus fiables (sur internet et directement auprès d’Hervé Berbille, l’expert français du soja), d’être la plus exhaustive possible et surtout de ne rien affirmer sans citer mes sources. Cet article se veut une invitation à aller lire les sources, voire directement les études scientifiques (en anglais), et à vous faire votre propre avis. J’espère qu'il saura apaiser vos éventuelles craintes ou celles de vos proches, n’hésitez pas à vous en servir et à le partager !
Après avoir listé les accusations dont le soja fait l’objet, je montrerai en quoi sa consommation est sans danger et même quels sont ses bénéfices pour la santé dès l’enfance et pendant la grossesse. Enfin, nous tenterons de comprendre pourquoi le soja fait l’objet de tant de mises en garde infondées.
Le soja, une légumineuse mal aimée en France
Le soja, comme nous le rappelle Wikipédia, « est une espèce de plante annuelle de la famille des légumineuses, originaire d'Asie de l'Est ».
En France cependant, cette légumineuse est déconseillée avant 3 ans, alors que les autres « légumes secs » doivent être introduits à partir de 15 mois (ce qui est déjà tard). Sur le site québécois Naître et grandir, légumineuses et tofu sont pourtant conseillés dès 6 mois ; dans de nombreux autres pays, ces aliments peuvent être normalement introduits dès 9 mois.
Force est de constater que les légumineuses, et le soja en particulier, sont considérés en France avec méfiance, surtout quand il s’agit de l’alimentation des jeunes enfants.
Devant les sources contradictoires, et l’abondance d’articles d’allure sérieuse – souvent très alarmants – recommandant de se méfier du soja dans l’enfance et pendant la grossesse, de nombreux parents croient faire le choix de la prudence en évitant cet aliment. Ce qui est dommage, pour de nombreuses raisons que nous allons voir.
De quoi le soja est-il accusé ?
Réactions allergiques
On s’en méfie en premier lieu à cause du risque d’allergie. Comme le rappelle Wikipédia, « le soja, comme toutes les légumineuses, contient aussi de nombreuses protéines naturellement allergènes. La graine doit donc être transformée, soit par cuisson, soit par fermentation, avant consommation. Le soja et les produits du soja sont considérés comme des aliments naturellement allergènes listés par le Règlement 1169/2011 au même titre que d'autres aliments allergènes, tels que le lait, les œufs, les arachides, les noix ou les crustacés. »
Nocivité des phyto-estrogènes
Si le soja fait polémique, c’est surtout car il contient des isoflavones, également appelées phyto-estrogènes, jouant le rôle de modulateurs hormonaux. Les isoflavones appartiennent à la famille des polyphénols (catéchines du thé, flavonoïdes des agrumes, tannins du raisin). Ce sont ces isoflavones, appelées phyto-estrogènes car chimiquement proches des hormones féminines estrogènes, et pouvant moduler l’action des récepteurs des estrogènes, qui sont accusées de tous les maux : puberté précoce chez les filles et maturation sexuelle retardée chez les garçons ; risques d’anomalies du pénis ; et chez les adultes, cancer du sein par exemple.
Dans son fameux rapport de mars 2005 intitulé « Sécurité et bénéfices des phyto-estrogènes apportés par l’alimentation – Recommandation », consultable en version longue ou courte, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) liste les principaux risques associés au soja, révélés par des expériences sur les animaux : « Des études de toxicité par administration réitérée, de génotoxicité, de carcinogénicité, mais aussi des études portant sur la fertilité, le développement des organes sexuels et leur maturation, ont été conduites le plus souvent chez les rongeurs, plus rarement chez le Chien et le Singe. Les phyto-estrogènes apparaissent généralement dépourvus de toxicité générale mais ils peuvent être génotoxiques ou carcinogènes dans certains modèles animaux et in vitro. Les doses utilisées sont plus élevées que celles généralement absorbées par l’Homme. » Nous verrons plus bas ce qu’il en est réellement chez l’humain.
Trop grande richesse en aluminium
Les laits infantiles à base de soja sont parfois accusés d’être trop riches en aluminium, un métal naturellement présent sur terre et donc dans les végétaux. A haute dose cependant, l’aluminium présente une forte toxicité. On lit parfois que « les laits à base de soja sont beaucoup plus riches en aluminium que les laits de vache : un enfant nourri au lait de vache reçoit entre 0,2 et 0,55 mg d’aluminium par semaine, tandis que l’enfant nourri au lait de soja reçoit entre 2,5 et 4,9 mg d’aluminium par semaine. Ces chiffres restent cependant en dessous des normes admises par les experts (7 mg). » Je vous l’avoue, ces faits m’ont fait froid dans le dos, à l’époque où je donnais un lait infantile à base de soja à mon deuxième fils… Cependant, aucun souci à se faire car comme je vais l’expliquer plus bas, l’aluminium dans le soja est biologiquement inerte (ce qui n’est pas le cas de celui contenu dans les vaccins !).
Responsable de la déforestation
Le soja est enfin pointé du doigt, un peu trop vite, comme le responsable de la déforestation, une véritable catastrophe écologique menaçant la planète que nous laissons à nos enfants. Je réponds tout de suite à cette accusation pour ne pas avoir à y revenir plus bas (nous nous concentrerons sur l’aspect santé). En réalité, « 90% des protéines de soja produit dans le monde sont destinées à l'alimentation du bétail, une véritable rente pour les industriels du soja étasuniens et brésiliens qui dominent ce marché. Ce soja « alimentation animale », la plupart du temps transgénique (OGM) se retrouve donc indirectement dans les produits laitiers, les œufs et la viande que les Français consomment chaque jour, tout en contribuant à dévaster la forêt amazonienne. (…) Inversement, les aliments à base de soja destinés à l'alimentation humaine, notamment ceux consommés en France, sont produits à partir de soja cultivé localement, souvent selon les méthodes de l'Agricultrice biologique, donc sans recourir aux OGM, interdits en Bio. Il faut savoir également que les protéines de soja destinées à l'alimentation humaine ne représentent que 3% de la production mondiales » (source).
On rappelle également que la production de végétaux, donc de soja, est beaucoup moins consommatrice de ressources que celle de produits animaux. L’élevage est le principal responsable de l’accaparement des terres arables (70 % des terres agricoles et 30 % de toute la surface de la terre). La plus grande partie de la production mondiale de céréales est destinée à l'alimentation du bétail. Un régime carné implique donc une consommation indirecte de céréales et autres végétaux bien plus importante qu'une alimentation végétale. Manger du soja (ainsi que d’autres légumineuses), c’est donc choisir une source de protéines respectueuse de la planète.
Je m’arrête là mais vous trouverez une liste assez complète des principaux reproches adressés au soja dans cet article qui y répond point par point.
Le soja est pourtant sans danger pour la santé
Une allergie relativement rare
Pour ce qui est du risque allergique tout d’abord : l’allergie au soja concernerait à peine 0,03 % de la population mondiale (source). S’il n’existe pas de risque dans la famille ou que l’allergie n’est pas avérée après introduction du soja chez l’enfant, la consommation de soja ne doit pas éveiller de craintes à ce sujet chez les parents. Rappelons que le lait de vache, le gluten ou les noix sont aussi allergènes et ne doivent pas pour autant être évités si l’enfant n’y est pas allergique.
Les isoflavones du soja (phyto-estrogènes) ne sont pas des hormones
Les isoflavones du soja sont des "phyto-SERMs", c'est-à-dire des modulateurs hormonaux, qui atténuent les effets négatifs des estrogènes endogènes (effets prolifératifs). Ils ne sont en aucun cas de vraies hormones (il n’y en a pas dans le règne végétal) et ne présentent donc aucun risque pour la santé, même chez les bébés ou les femmes enceintes.
Les mythes tels que « un bébé nourri avec du lait maternisé à base de soja reçoit l’équivalent en phyto-oestrogènes de ce que l’on recevrait si on ingurgitait 5 pilules contraceptives par jour, ce qui entraîne une puberté précoce chez les filles et une maturation sexuelle retardée chez les garçons » sont démentis par les études scientifiques. Les phyto-estrogènes ne sont pas des hormones, mais des régulateurs hormonaux. Leur activité estrogénique est 1.000 à 10.000 fois moins puissante que celle de l’estrogène. Ainsi, une étude de 2015 centrée sur les organes reproducteurs des enfants, n’a constaté aucune différence à l’âge de 5 ans, que les enfants aient reçu du lait maternel, du lait infantile à base de lait de vache ou du lait infantile à base de soja. Les chercheurs prévoient de suivre les enfants jusqu’à la puberté. Toutes les études sur les enfants nourris au lait infantile de soja attestent d’un développement normal (voir plus bas le paragraphe sur les laits infantiles à base de soja).
En revanche le lait de vache contient de vraies hormones
Plutôt que de polémiquer sur les phyto-estrogènes du soja et d’en déconseiller la consommation, on ferait mieux de regarder de plus près ce qu’il est recommandé de donner à la place, à savoir le lait de vache. En effet, on trouve de vraies hormones dans les laits animaux d’autres espèces, qui sont néfastes pour la santé. « Le lait de vache (ou de chèvre, de brebis, de jument) contient naturellement pas moins de 59 véritables hormones, dont l’œstradiol 17 β, l’un des plus puissants œstrogènes répertoriés, de l’IGF-1, une hormone de croissance (notamment des tumeurs cancéreuses) classée par le Comité international olympique (CIO) comme substance dopante, mais également de la leptine (favorisant l’obésité), de la progestérone (cancer de la prostate), de la thyroxine et de la triiodothyronine (acné et puberté précoce), de l’ocytocine (maladie cardio-vasculaire), de la cortisone (cancer du sein et l’endomètre), de la prolactine (allergie) » (source).
Les produits à base de soja (lait, yaourts) permettent donc d'éviter l'exposition aux véritables estrogènes contenus dans les produits laitiers. « Les taux d'œstrogènes contenus dans les produits laitiers, à de niveau de consommation comparables à ceux recommandés par PNNS, s'avèrent suffisants pour faire chuter le taux de testostérone chez les individus mâles alors que la consommation de soja n'a aucune incidence significative sur les taux d'androgènes. » Pour les études le prouvant, voir les notes 20 et 21 de cet article.
Rapport de l’Anses : des recommandations basées sur des résultats d’expérimentations animales
Concernant le débat principal autour des phyto-estrogènes, il importe d’écrire noir sur blanc qu’aucune étude n’a jamais mis en évidence les effets négatifs d’une consommation de soja chez l’humain. « Une étude de 2008 a montré que l’ingestion quotidienne d’une très grande quantité d’isoflavones de soja (l’équivalent de 2,5 kg de tofu ou de 10 litres de lait de soja par jour !) ne produisait aucun effet indésirable. » (lien vers l’étude). Alors pourquoi tant de bruit autour de cette fameuse substance ?
Jean-François Narbonne, toxicologue à l’Université Bordeaux 1, revient sur la genèse du rapport de L’Anses de mars 2005 intitulé « Sécurité et bénéfices des phyto-estrogènes apportés par l’alimentation », rapport très alarmiste qui fut à l’origine de la méfiance pour le soja en France : « Dès 1996 le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) et plus particulièrement le groupe de travail « contaminants » que je présidais avait été chargé d’évaluer la toxicité du soja chez l’homme. A l’époque le rapport avait conclu que nous n’avions pas de bases pour établir des limites de toxicité et nous ne disposions d’aucune évidence de toxicité chez l’homme. Le problème c’est que 10 ans après, l’état des connaissances scientifiques n’a pas fondamentalement changé la donne mais la conclusion du groupe de travail de l’Afssa est allée dans un sens maximaliste : en l’absence de données évidentes pour établir des limites de sécurité ce groupe d’experts a jugé urgent en termes de santé publique de proposer toute une série de recommandations pour limiter l’exposition au moins de certains groupes de consommateurs. »
Ce qu’il faut dire, c’est que seules des études sur les animaux ont révélé une toxicité du soja, aucune sur les humains. Il s’agit donc d’un principe de précaution poussé à l’extrême. Nous y reviendrons dans le « Pourquoi le soja est-il décrié à tort en France », un peu plus bas.
Ainsi, c’est parce que, chez les souris, les isoflavones peuvent favoriser le développement de tumeurs, que le soja est aussi déconseillé aux femmes ayant eu des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein. Or chaque espèce peut réagir différemment à un même aliment… Par exemple, les rongeurs métabolisent les isoflavones beaucoup plus activement que l'homme, ce qui empêche d’extrapoler pour l’homme. Florian KAPLAR, naturopathe, souligne l’aberration d’une telle conclusion : « C’est bien là le problème, cette préconisation d’éviction du soja chez les femmes ayant eu un antécédent de cancer se fonde sur une étude chez les… souris ! En revanche, ce que l’on sait d’après une étude récente, c’est que le soja protège contre la récidive du cancer du sein. De même, selon le Centre de recherches contre le cancer Fred Hutchinson, il n’a jamais été démontré que le soja puisse causer le cancer chez l’Homme. Au contraire, les études sur le soja ont montré : un effet protecteur du soja contre le cancer, moins de récidives du cancer, ou un effet neutre. Il n’y a jamais eu de corrélation directe entre le soja et le cancer, annoncer le contraire est de la désinformation ! »
Certes, cela ne concerne pas les enfants, mais c’est un exemple de la manière dont on a déduit un peu trop vite les « dangers » du soja.
Preuves de l’innocuité des laits infantiles à base de soja
Selon ce même principe de précaution, l’Anses déconseille également les laits infantiles à base de soja. Comme on peut le lire sur Wikipédia, « La même étude de l'Anses met en garde à l'usage de préparations à base de soja avant l'âge de 3 ans, en précaution et en tenant compte de la teneur élevée en isoflavones. Dans d'autres pays, cette prévention vis-à-vis des produits infantiles à base de soja n'existe pas, la recherche n'apportant pas d'éléments en faveur de la dangerosité des formules à base de soja. (…) L'innocuité des boissons à base de soja a été démontrée : une étude comparant des groupes nourris au lait maternel, au lait de vache et aux préparations à base de soja a montré que ces dernières n'avaient aucun effet négatif sur les fonctions physiologiques. »
D’ailleurs, tout en déconseillant la consommation de soja avant 3 ans, l’Anses reconnaît implicitement dans son rapport de 2005 ne pas avoir de preuve de la toxicité du soja : « Cependant malgré la forte exposition et les concentrations plasmatiques rapportées chez les nourrissons alimentés de façon prolongée avec des PPS [préparations infantiles à base de protéines de soja pour nourrisson et de suite], il n’a pas été observé jusqu’à présent de troubles particuliers de la croissance et du développement endocrinien. » Or il faut savoir que nous disposons d’un certain recul sur les effets des laits infantiles à base de soja puisqu’ils sont utilisés depuis bientôt 100 ans. Comme le résume Jean-François Narbonne, l’Anses « admet que le soja a des effets bénéfiques chez les populations asiatiques et qu’aucune étude épidémiologique n’a mis en évidence d’effet délétère chez l’homme. »
Trois études portant sur le développement général des enfants, la dernière de 2014, viennent confirmer l’une après l’autre la parfaite innocuité des laits infantiles à base de soja, et donc de la consommation de soja chez le bébé. Pour chacune, je cite l’extrait le plus significatif, en anglais, avec traduction des passages les plus importants (de moi, donc pas parfaite, si une bonne âme bilingue peut arranger ça, je lui en serais très reconnaissante) :
- Safety of Soy-Based Infant Formulas Containing Isoflavones: The Clinical Evidence, 2004
« Recent in-depth reviews of the safety of dietary isoflavones in soy have found that there is no conclusive evidence from animal or human adult or infant populations that indicates that dietary isoflavones may adversely affect human health development or reproduction. Comprehensive literature reviews and clinical studies of infants fed SBIFs [Soya-based infant formulas] have resolved questions or raise no clinical concerns with respect to nutritional adequacy, sexual development, neurobehavioral development, immune development, or thyroid disease. SBIFs provide complete nutrition that adequately supports normal infant growth and development. »
« Les laits infantiles à base de soja ne représentent pas un problème sur les plans nutritionnel, du développement sexuel, du développement neurocomportemental, du développement immunitaire, ou des maladies de la thyroïde. Ils permettent une croissance et un développement normaux. »
- The health implications of soy infant formula, 2009
« Feeding SF [Soya-based infant formulas] to infants is shown to be efficacious for normal growth and development. (…) The translational research from the Arkansas Children's Nutrition Center supports the notion that early exposure to soy foods, including SF, actually may provide health benefits rather than adverse effects, eg, improved body and bone composition and prevention of breast cancer. »
« Les laits infantiles à base de soja sont efficaces pour garantir une croissance et un développement normaux ». « Une exposition précoce au soja, laits infantiles à base de soja y compris, ont en réalité des bénéfices plutôt que des effets indésirables ».
- Safety of soya-based infant formulas in children, 2014
« Modern SIF [Soya-based infant formulas] are evidence-based safety options to feed children requiring them. The patterns of growth, bone health and metabolic, reproductive, endocrine, immune and neurological functions are similar to those observed in children fed CMF [cows' milk-based formulas] or HM [human milk]. »
« Il a été prouvé que les laits infantiles à base de soja sont une option sûre pour nourrir les enfants en ayant besoin. Les schémas de croissance, santé osseuse et fonctions métaboliques, reproductives, immunitaires et neurologiques sont identiques à ceux observés chez les enfants nourris avec des laits infantiles à base de lait de vache ou au lait maternel. »
L’aluminium du soja, biologiquement inerte
Déjà, il faut savoir que l’aluminium est le troisième élément sur le plan de l’abondance au niveau de la croûte terrestre, derrière l’oxygène et la silice. « Dans la nature, l’aluminium ne se trouve jamais de manière isolée, mais il est toujours associé à d’autres éléments dans presque toutes les roches, les végétaux, les animaux » (source). Nous en avons de manière naturelle dans le corps.
Je partage ici la réponse qu’Hervé Berbille m’a faite par mail au sujet de l’aluminium retrouvé dans les laits infantiles à base de soja: « Concernant l'aluminium, tous les aliments en contiennent peu ou prou, lait maternel compris, et ce logiquement, puisque l'aluminium est un des principaux constituants de la croûte terrestre. L'aluminium dans le soja n'est pas problématique car le soja est riche en silicium qui forme, au contact de l'aluminium, du silicate d'aluminium, biologiquement inerte. Je m'amuse beaucoup d’entendre les détracteurs du soja dire que l'aluminium est dangereux dans les laits infantiles à base de soja et les mêmes affirmer qu'injecté comme adjuvant dans les vaccins, ce même aluminium ne pose aucun problème ! En outre, après avoir épluché la littérature scientifique, j'ai constaté que certains laits infantiles à base de lait de vache contenaient davantage d'aluminium que ceux à base de soja ! Pour ce qui est de l’aluminium qu’on retrouve dans le soja, cette "concentration" est faible, tout au plus des traces qui proviennent de la croûte terrestre sur laquelle le soja est cultivé, donc qui accumule (un tout petit peu) de l'aluminium, et ce... comme toutes le plantes et tous les aliments, lait maternel compris. Le lait de soja, et le tofou qui en est issu, en contiennent probablement, mais à des teneurs toujours négligeables, à tout le moins sans incidence sanitaire significatives. »
La grande étude de 2014 sur les laits infantiles au soja réaffirme d’ailleurs l’innocuité de la présence élevée d’aluminium dans ces produits, qui n’affecte pas les autres paramètres indicateurs de bonne santé et d’une croissance normale : « Despite the high levels of phytates and aluminium in SIF [Soya-based infant formulas], Hb, serum protein, Zn and Ca concentrations and bone mineral content were found to be similar to those of children fed CMF or HM. »
Malgré toutes ces preuves de l’innocuité de la consommation de soja dans l’enfance, en France, les rumeurs anti soja semblent avoir eu raison des preuves scientifiques, puisque les laits infantiles à base de soja (Gallia soja, Modilac soja) ne sont plus disponibles. Cela est très regrettable. Je reçois en effet souvent des demandes de parents désespérés dont les bébés ne supportent ni lait de vache, ni lait de riz, ni lait d’amande infantiles, et à qui le soja aurait pu convenir. Une solution reste de commander des laits infantiles à base de soja à l’étranger (voir la fin de cet autre article pour les produits disponibles en Allemagne et au Royaume-Uni).
Le soja présente en réalité des atouts pour la santé
Les études sont formelles : il n’y a pas de raison de se priver du soja, qui non seulement n’est pas nocif, mais a bien plutôt des avantages indéniables pour la santé, à tout âge de la vie. On l’a vu, les isoflavones du soja ne sont pas des hormones, mais des modulateurs hormonaux, sans danger pour la santé, contrairement aux produits laitiers contenant, eux, de vraies hormones.
Un rôle protecteur contre le cancer, l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires et les polluants environnementaux (BPA)
- Les isoflavones du soja entrent en effet en compétition avec les œstrogènes endogènes sur les récepteurs à estrogènes, et permettent ainsi de diminuer les effets prolifératifs des estrogènes endogènes, mis en cause dans l’apparition des cancers du sein et de la prostate. Parallèlement, les isoflavones renforcent l’effet antioxydant des estrogènes endogènes.
La consommation de soja protège du cancer du sein, ce qui peut être une information intéressante pour les mamans comme pour leurs filles, la consommation de soja pendant l’adolescence étant particulièrement efficace : « Certaines études concluent en faveur de l'existence d'un effet protecteur, vis-à-vis du cancer du sein, de la consommation de soja et/ou des isoflavones pendant l'adolescence. Il faut noter que dans ces études la consommation plus élevée de soja est inversement corrélée à la consommation de protéines animales. » (source)
- De même, les isoflavones protègent des pubertés précoces, ce qui a été prouvé dans cette étude. Une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a montré que la puberté est la plus tardive dans les pays où l’on consomme le plus de soja (liens ici). Or une puberté avant l’âge de dix ans est associée à un risque plus élevé de cancer du sein quelques dizaines d’années plus tard.
- La consommation de soja diminue également le risque de maladies cardio-vasculaires. Explication : « Grâce à la présence de polyphénols, aux propriétés anti-oxydantes le soja assure une protection contre les maladies cardio-vasculaires. Les polyphénols du soja possèdent une autre propriété méconnue : c’est l’induction de l’apoptose qui traduit la capacité à provoquer le « suicide » sélectif des cellules cancéreuses, tout en protégeant les cellules saines. »
En 1999 la FDA (Food and Drug Administration, USA) a accordé une allégation santé aux protéines de soja, reconnaissant officiellement leur capacité à réduire le risque coronarien. D’autres pays (Japon, Malaisie, Royaume-Uni) ont également accordé cette allégation.
- Le soja, comme on peut le lire ici, a aussi des effets bénéfiques sur le pancréas : « Chez l'Homme, les seules activités scientifiquement documentées du soja sur le pancréas sont une activité protectrice contre le diabète (les isoflavones protègent les cellules β du pancréas, qui synthétisent l'insuline) et une inhibition de la croissance tumorale des cellules cancéreuses du pancréas, un cancer particulièrement meurtrier rappelons-le. »
Dans « Le soja qui tue ? La vérité sur un article délirant », Hervé Berbille (Directeur de Recherche & Développement, diplômé de l’Institut des Sciences et Techniques des Aliments de l’Université Bordeaux 1, ingénieur en agro-alimentaire et diplômé en ethno-pharmacologie) est catégorique : « Vous pouvez donner du soja aux enfants ! Vous activerez ainsi leurs gènes anticancéreux, ce qui leur conférera une immunité ultérieure contre les cancers hormono-dépendants, ainsi que contre les maladies cardiovasculaires (activité « épigénétique » des isoflavones), l'obésité, des polluants environnementaux, dont le redoutable BPA, et vous les protégerez ainsi d'une puberté précoce. Et ceci conformément aux recommandations des autorités indonésiennes par exemple qui recommandent une introduction très précoce du soja dans l'alimentation, une pratique au demeurant courante en Indonésie comme j'ai pu le constater par moi-même.»
Des bénéfices pendant la grossesse pour la maman et le bébé
Je recopie ici la réponse de l’Association végétarienne de France à la question « Je suis enceinte, dois-je cesser de consommer du soja ? » (onglet : soja et grossesse) :
« Non. La principale source d’exposition œstrogénique des fœtus revient, et de très loin, aux oestrogènes maternels. Or, ce que l’on appelle improprement les « phyto-œstrogènes » s’opposent à la production d’œstrogènes endogènes (c’est-à-dire produits par l’organisme), d’où leur nom de « phyto-SERMs », « m » pour « modulateurs » (œstrogéniques); à ce titre, les « phyto-SERMs » (isoflavones) protègent le fœtus contre les oestrogènes maternels. Chez des souris gestantes, la suppression du soja dans l’alimentation conduit au syndrome « d’œstrogénisation fœtale » (source). D'autres études montrent que la consommation de « phyto-œstrogènes » protègent le fœtus des véritables perturbateurs endocriniens (bisphénol A) (source). La recommandation selon laquelle les « phyto-œstrogènes » augmentent le risque d’hypospadias (malformation de l’appareil génital masculin) est par ailleurs totalement infondée. Les études disponibles soulignent au contraire un effet protecteur des « phyto-œstrogènes » (source). Toujours sur modèle animal, il apparaît qu’une exposition fœtale aux « phyto-œstrogènes » (isoflavones) confère une protection ultérieure contre les maladies cardiovasculaires (source).
Le soja est un aliment riche en choline. Or, il a été démontré, chez des femmes enceintes cette fois-ci, qu’une alimentation déficiente en choline pouvait avoir des conséquences catastrophiques pour le système nerveux des nouveau-nés. »
Et l’AVF rappelle que dans le guide officiel de la grossesse et de la petite enfance « Mieux Vivre », distribué à toutes les femmes enceintes au Québec, les aliments à base de soja y sont d’ailleurs traités comme les autres aliments.
Le soja, comme on va le voir dans le paragraphe suivant, est un aliment intéressant sur le plan nutritionnel, dont il serait dommage de se priver pendant la grossesse, une période où les besoins en certains nutriments et en protéines augmentent.
Un aliment nutritionnellement riche
Le soja constitue une excellente source de protéines. Composé de 40% de protéines, il est la légumineuse qui en contient le plus. Il possède huit acides aminés sur neuf essentiels, une bonne teneur en lysine, des acides gras insaturés : c’est un aliment extrêmement intéressant pour les végétariens et végétaliens, notamment les enfants qui le mangent souvent plus volontiers que les lentilles ou les pois chiches, et dont certains besoins sont parfois difficiles à couvrir. Le lait de soja et les yaourts enrichis en calcium sont un moyen bien pratique et fiable de couvrir les besoins en calcium relativement élevés pendant la petite enfance (personnellement je déconseille fortement de compter uniquement sur la prétendue richesse en calcium des légumes à feuilles vertes et des amandes pour combler les besoins des enfants).
Même l’Anses, dans un éclair de lucidité au milieu de son fameux rapport de 2005, reconnaît la grande qualité du soja : « En dehors de la problématique des phyto-estrogènes, le soja est un aliment intéressant sur le plan nutritionnel : pris sans autres ingrédients ajoutés (sucre, …) il participe à l’apport de protéines végétales et contient peu de graisses saturées. Il participe donc à varier l’apport alimentaire. »
Un substitut aux produits animaux, apprécié des enfants
Avantage non négligeable pour les familles végés, le soja représente enfin un substitut protéiforme, pratique, idéal pour réaliser des plats ressemblant à ceux que mangent les copains omnivores et ainsi éviter la frustration : yaourts, lait, tofu (nature, fumé, soyeux, à la tomate…), saucisses, protéines de soja texturées pour bolognaise ou boulettes, tempeh… Que ferait-on sans le soja ! ^^
Alors pourquoi le soja est-il décrié à tort, surtout en France ?
Difficile de donner une réponse simple… avant de crier au lobby laitier (on entend bien parler d’un « lobby du soja » !!), laissons la parole à nos experts.
L’origine de cette prévention généralisée contre le soja se trouve bien sûr dans le rapport de l’Anses de mars 2005, mettant en garde contre la consommation de soja, qui a été largement relayé par les médias. Or selon Jean-François Narbonne, toxicologue ayant fait partie du groupe de travail chargé d’évaluer la toxicité du soja chez l’homme en 1996, la constitution du groupe de travail de 2005 (à l’origine du rapport alarmiste sur le soja) pose problème : celui-ci était constitué essentiellement de nutritionnistes pour traiter un problème relevant surtout de la toxicologie. Ce défaut de pluridisciplinarité, couplé au manque d’étude comparative comme cela aurait dû être le cas, permettent de comprendre en quoi les résultats obtenus sont controversés. Les recommandations de l’Anses sont donc basées sur une précaution poussée à l’extrême basée sur des suppositions. Selon l’expert, ce rapport de l’Anses a d’ailleurs provoqué de nombreuses réactions auprès des collègues des agences étrangères.
On l’a vu plus haut, aucune étude n’a jamais pu prouver le moindre danger du soja chez l’humain, les seules études ayant révélé une toxicité ayant été conduites chez les animaux. Dans un article rédigé en commun, Hervé Berbille, ingénieur agroalimentaire et le Dr Jérôme Bernard-Pellet, nutritionniste, reviennent sur l’aberration des conclusions de l’Anses et émettent des hypothèses :
« En mars 2005, l'Anses justifie ses recommandations sur la base des études, contradictoires, conduites sur modèle animal, en l'occurrence chez des rongeurs. Rappelons que les rongeurs métabolisent les isoflavones beaucoup plus activement que l'Homme, ce qui rend les extrapolations à l'Homme particulièrement hasardeuses.
Quoi qu'il en soit, les raisons qui conduisirent alors les rédacteurs du rapport de l'ANSES (ex-AFSSA) à privilégier des études conduites sur modèle animal au détriment de celles conduites chez l'Homme restent encore aujourd'hui difficilement explicables.
De même, on s'étonnera que les liens manifestes qu'entretenaient nombre de ses rédacteurs avec l'industrie laitière, constitutifs de conflits d’intérêts pourtant flagrants, n'aient pas alors suscité d'émoi particulier. » Sans commentaire…
Yaourts maison au lait de soja enrichi en calcium
Quelle quantité de soja consommer pour bénéficier de ses bienfaits ?
Sur la base de toutes les études fiables que j’ai citées plus haut prouvant les bienfaits du soja, et s’il n’y a pas de risque allergique dans votre famille, vous pouvez introduire le soja comme les autres légumineuses dès 9 mois (si cela n’a pas été fait plus tôt avec un lait infantile) et donner à vos enfants – et consommer vous-même – sans aucune crainte 1 à 3 portions par jour. Pour donner notre exemple, nous prenons le matin un yaourt de soja ou une tasse de lait enrichi en calcium, et dans la journée, un deuxième yaourt ou une portion de tofu.
Hervé Berbille, l’un des meilleurs spécialistes français du soja, affirme dans un article sur le soja et ses controverses : « Le soja, à condition qu’il soit bio, sans contamination par les OGM et consommé dans le cadre d’une alimentation diversifiée, constitue un excellent aliment. » Hervé Berbille, avec qui j’ai régulièrement des échanges par mail au sujet du soja dans l’enfance, ne cesse de me confirmer, études à l’appui, les bénéfices pour la santé de la consommation de soja. Je le remercie d’ailleurs car c’est en grande partie grâce à lui que j’ai pu écrire cet article.
Pour conclure, je laisserai la parole à Florian Kaplar, de Naturo-Passion, dont le propos me semble plein de sagesse : « le soja a toute sa place dans le cadre d’une alimentation diversifiée et équilibrée. En France, il est aisé de trouver des produits à base de soja bio sans OGM, cultivé en France, d’excellente qualité et délicieux : tofu ferme (qui existe en version lactofermenté), fumé ou non, tofu soyeux, pâtés végétaux lactofermentés, yaourts, « lait » de soja, etc. La conclusion à laquelle j’arrive après lecture de centaines de pages d’études sur le soja est que, d’un point de vue nutrition et santé, aucune étude scientifique n’a prouvé la moindre toxicité de la consommation de soja sur l’homme. Au final, le soja présente bien plus d’avantages que d’inconvénients. »
Trois articles complets et fiables (pouvant documenter tout ce qu’ils avancent, ce qui est loin d’être le cas des articles anti soja), que j’ai utilisés parmi d’autres dans mon article. A lire et partager sans modération.
Florian Kaplar, diététicien-nutritionniste et naturopathe, répond avec précision aux rumeurs infondées sur le soja.
Le soja qui tue ? La vérité sur un article délirant
Avec sa verve habituelle, Hervé Berbille s’attaque aux pires rumeurs attachées au soja et les démonte point par point. Directeur de Recherche & Développement, diplômé de l’Institut des Sciences et Techniques des Aliments de l’Université Bordeaux 1, Hervé Berbille est également ingénieur en agro-alimentaire et diplômé en ethno-pharmacologie.
Les experts français ont exagéré les dangers du soja
Dans cet entretien, Jean-François Narbonne, toxicologue à l’Université Bordeaux 1, explique pourquoi le rapport de l’Anses de 2005 est si critique vis-à-vis du soja et aussi pourquoi ses conclusions sont controversées.
Edit de mars 2018: je vous recommande aussi cette interview d'Hervé Berbille sur le blog Au vert avec Lili:
Précision: cet article n'a aucune visée publicitaire. Les illustrations accompagnant cet article représentent des produits connus, appréciés chez nous (et par de nombreuses familles véganes) et je préfère préciser que je n'ai reçu aucun soutien de la part de marques ni de qui que ce soit. Que cela soit clair!