Les enfants et les animaux: respectons leur innocence

Ceci est une réflexion que j'ai publiée dans le n°105 d'Alternatives végétariennes (sept-nov 2011). Cette revue trimestrielle éditée par l'AVF se compose d'actualités, de réflexions, de témoignages, de recettes, de présentations de livres... Il est à noter qu'elle comporte une rubrique "Famille" particulièrement intéressante. Pour savoir comment s'abonner ou télécharger gratuitement d'anciens numéros, cliquez ici.

De nombreuses personnes s’indignent du fait que les parents végétariens « imposent » leur végétarisme à leurs enfants. Au-delà du fait que tout parent, qu’il soit végétarien ou non, impose (et est en droit de le faire) son régime alimentaire à son enfant, il semblerait que dans le cas du végétarisme, l’enfant serait privé de quelque chose et en souffrirait. On part donc du principe que l’enfant a envie (et pas seulement besoin) de manger de la viande. Certes, le petit végétarien aura peut-être envie, un jour, de goûter cet aliment inconnu mais rien n’est moins sûr car on ne lui aura pas caché d’où il vient.

L’enfant aurait-il naturellement envie de manger les animaux ? Ne les considère-t-il pas au contraire, encouragé par les peluches et héros animaux de ses livres et dessins animés, comme des amis, des égaux ?

En voyant mon fils, 14 mois, devant notre lapine Caramy, je ne peux m’empêcher de penser à cette boutade célèbre : « Mettez une pomme et un lapin dans un berceau. Si le bébé mange le lapin et joue avec la pomme, alors je vous offre une voiture ».

Effectivement, la relation qui se tisse entre un animal et un bébé est des plus fascinantes. Naturellement, un bébé de quelques mois fait la différence entre une peluche et un vrai lapin, et considère ce dernier comme un être vivant semblable aux autres membres de la famille. Lorsque nous avons récupéré notre lapine il y a quelques temps, la première réaction de mon fils de 14 mois, après un moment d’émerveillement, a été d’essayer de lui donner ses jouets. Il voulait jouer avec elle, partager ses peluches et ses cubes ! (Chose qu’il n’a jamais faite avec une peluche…) Il est tout aussi capable de reconnaître quand elle mange, de nous le dire avec son vocabulaire de bébé, et de lui donner lui-même ses légumes comme il nous donne les objets qu’on demande ou nous fait goûter ses biscuits. Pour lui, Caramy est un membre de la famille, un être vivant comme les autres.

C’est pourquoi je n’ai pas l’impression d’imposer « mon » végétalisme à mon fils, ni de le priver de quoi que ce soit. Il est végétalien, sans quoi j’aurais le sentiment de le trahir en quelque sorte, de ne pas respecter son innocence d’enfant et son amour spontané pour les animaux, nos semblables.

Je me rappelle encore la mine horrifiée de ma petite nièce de 3 ans, dont la maman m’avait dit tranquille : « tu peux lui expliquer ce qu’est le jambon, elle sait ! ». Cette petite a alors été obligée de finir le jambon auquel elle ne voulait plus toucher. Non, un enfant n’a jamais naturellement envie de manger des animaux. Ce n’est pas la seule ni la meilleure raison de ne pas lui en faire manger, mais je suis persuadée que réfléchir à cela et observer un enfant face à un animal est le meilleur moyen de retrouver ce lien qu’une éducation spéciste nous a fait perdre. Ne forçons pas nos enfants à accepter une violence qui leur répugne. Surtout quand elle n’est pas nécessaire à leur santé.

Que les carnivores se rassurent. Bien sûr, mon fils mangera de la viande et des produits animaux s’il le souhaite. Mais seulement lorsqu’il aura l’âge de comprendre vraiment ce que cela implique. Je lui laisse ce choix, cette chance.

Et la prochaine fois que vous entendrez l’argument du légume qui souffre, rappelez à l’adulte en face de vous qu’un bébé est capable de faire la différence entre un être inanimé et un animal…